Jean-Marie Torque

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A quoi tient la vie parfois ?

Peintures

Se retrouver en difficulté aux sources de l’Adour, ce n’est pas ordinaire (1). Mais ma présence à cet endroit (2) n’était pas le fait du destin : j’en avais très probablement vu des représentations en photographie stéréoscopique étant enfant (du temps où je déplorais qu’il n’y ait pas de clowns au Cirque de Gavarnie), qui auront guidé inconsciemment la préparation de mon périple dans les Pyrénées. Par ailleurs ce n’était pas la première fois qu’ayant perdu mon chemin je suivais le lit d’un torrent indiqué sur la carte, le tout c’est d’en sortir !
Merci aux herbes . Ces peintures leur seraient dédiées si elles étaient capables de les voir et elles seraient étonnées d’être aussi plantureusement représentées.
Conseil aux randonneurs (égarés) en difficulté sur un terrain analogue : renoncez à l’idée de longer ou de rejoindre les rochers, autour d’eux la terre est plus humide : les touffes d’herbe offrent moins de résistance. Il faut parfois se libérer de représentations évoquées en d’autres lieux et circonstances et se fier à ses propres expérimentations pour vivre.
Plus simplement l’endroit est interdit : un panneau prévient en aval du danger, peut être a-t-il été le lieu d’accidents. Il est donc bon de se fier tout de même à ce qui est écrit, surtout quand cela l’a été récemment et pour l’endroit !

Février 2015

(1) En gascon, adour (terme ancien) signifie « source », « cours d’eau » et adourgà ou adorgar signifie « irriguer ». Le mot adur s’est spécialisé en basque dans le sens de ’destin’, « onde magique » (sens présumé de « humeur »).

(2) en fin d’après-midi le 14 juillet 2015.

Huile sur toile
Janvier et février 2016
110x150 cm et 150x150 cm


Pour un peu je faisais une brêve dans La Dépêche du midi à la rubrique faits divers ! Étonnant ! Pourtant, je le tenais ce rocher...

Pour sortir du val j’ai d’abord essayé une pente herbue humide et abrupte, ce terrain s’est avéré désagréable, aléatoire, stressant, les appuis des pieds s’effondraient, je gagnais du terrain en empoignant des herbes qui résistaient plus ou moins.
Un massif de rocher sur ma droite m’a tenté, si je parvenais à me hisser dessus je pourrais progresser sur sa crête ; cessant de monter je me suis déplacé latéralement pour le rejoindre. C’est grimper dessus qui s’est avéré impossible car à sa base la terre ne résistait pas à la pression de mes pieds. J’étais dans une position très inconfortable, déséquilibré par le sac à dos, la poitrine plaquée contre la paroi, la terre se dérobait sous mes pieds, à la verticale d’une pente abrupte et glissante et des rochers en contrebas.
Très embarrassé il m’est venu à l’esprit que mon prochain mouvement pourrait me faire basculer dans le ravin, que mon périple pourrait finir là.

Qu’ai-je pensé ? Hé bien, j’ai regretté de ne pas avoir rangé mon bureau.
Ensuite je me suis dit que c’était très bête de finir ainsi puis j’ai décidé d’essayer de revenir au terrain initial, à la pente raide herbue, peu fonctionnelle mais possible, que j’ai fini de gravir jusqu’aux barbelés destinés à empêcher les vaches de tomber dans le ravin.

Le lendemain, après avoir replié ma tente, je suis monté au Pic du midi de Bigorre et les jours suivants je suis allé farnienter sur la côte basque, où je tenais à revenir, ma mère y étant née.
Ainsi, par un beau matin ensoleillé je contemplais Bayonne, de la rive droite de l’Adour, je l’ai longuement regardé couler.

7 ans plus tard, réorganisant ce site web, je précise cet article car il est vrai que cette expérience a modifié ma psyché et ce de façon durable, même si mes proches l’ignorent ou ne s’en sont pas rendu compte. Mais je me suis employé à ce qu’elle ne soit pas traumatisante, en faisant ces peintures et en entreprenant rapidement d’autres randonnées en moyenne montagne, encore en solo.

Au total je suis heureux d’avoir vécu cette expérience enrichissante et eu le privilège de découvrir ce très beau microcosme (les chasseurs ou les pêcheurs doivent connaître un moyen plus pratique pour sortir du val ou rebrousser chemin).

Mon goût pour les végétaux, pour les chemins herbus, s’est renforcé. Regarder les herbes me fait sourire, j’ai de la chance car il y en a une infinité, y compris en ville depuis que l’on n’utilise plus de désherbant.

Mai 2022

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